Jamaïque – Expédition dans les Blue Mountains
Jeudi 16 Février – Après une nuit au moteur face au
vent et aux vagues, Hibiscus entre dans la baie de Port Antonio…
c’est un lac entouré de verdure tropicale. Nous mouillons face a la
Marina. A terre l’ambiance est sympathique autour de la piscine et
du bar de la marina. Les quelques rues commerçantes de cette petite
ville buzz d’activités dans une lumière éclatante et une explosion
de couleurs. Au centre se trouve le marché avec sa multitude
d’étals de fruits et légumes, la halle aux viandes et poissons et un
dédale de bazars, boutiques de fringues et souvenirs Jamaïcains…
et partout des regards accompagnés de quelques mots accueillants.
Nous avons envie d’explorer un peu plus ce pays ou on se sent bien et le projet d’une virée dans les Blue Mountains prends forme. Le « John Crow National Park » est décrit comme un paradis pour la randonnée dans une forêt luxuriante – le sommet est à 2256 mètres. C’est là que pousse le fameux café de Jamaïque. La randonnée se fera sac a dos en utilisant les transports en commun….
Dimanche 19 Février – La montagne s’élève juste derrière Port Antonio mais n’est pas accessible depuis la cote nord. Nous devons aller a Kingston – au sud de l’ile – pour prendre la route qui monte vers le parc national. Nous prenons donc le bus pour Kingston qui se trouve sur la cote sud de l’ile… Nous avons la chance de prendre ce bus a son terminus et donc d’avoir une place assise.. Après quelques arrêts les strapontins deviennent une place de luxe et il y a en moyenne trois personnes par banquette de deux personnes! Un CD tourne en boucle – des chants religieux sur un rythme enjoué… est-ce parce que nous sommes Dimanche ou est-ce pour s’assurer que le bus tiendra jusqu’au bout? Apres trois heures nous commençons a connaitre les paroles lorsque le bus se vide… nous suivons… le chauffeur nous indique ou prendre un « taxi » pour notre prochaine étape vers la montagne…
Cents mètres plus loin nous demandons notre chemin… la personne hèle une voiture qui semble être sortie de la casse. Nous comprenons que cette « voiture » nous emmènera jusque Papine, où nous pourrons prendre un bus vers les Blue Mountains… Un dollar par personne… nous embarquons… Nous arrivons a un grand carrefour désert – c’est Dimanche! Aussitôt le pied a terre nous sommes abordés… « où allez vous? »… « Blue Mountains »… « Je peux vous y emmener »… « Combien? »… « 35 dollars »… « Non merci nous prenons le bus »… « mais il n’y a pas de bus le Dimanche »… et nous poursuivons notre chemin en quête d’un moyen de transport… Nous nous sentons observés. Jusqu’à ce qu’un passant nous indique une épave garée un peu plus loin… On ne comprends pas exactement jusqu’où il peut nous emmener, mais c’est dans la bonne direction… « 3 dollars par personne ». Un passager est déjà installé à l’avant et nous montons derrière, à cote d’une femme et son bébé… nous attendons, sans trop comprendre ce qui se passe. La voiture est pleine, pourquoi ne démarrons nous pas? la chaleur monte vite dans le petit espace… cinq minutes plus tard la porte arrière s’ouvre. Nous comprenons rapidement que c’est pour faire rentrer un sixième passager…il faut rentabiliser la course!!! Nous nous serrons…on peut poser une fesse sur la banquette, puis deux et… d’un grand coup sec la porte est fermée de l’extérieur. Nous ne pouvons plus bouger, mais soulagement la voiture démarre et l’air commence a circuler. La mère décide d’allaiter son bébé… du coté ou nous sommes, on ne sait pas trop si c’est le bébé ou le sixième passager qui tette!… tout se passe dans la bonne humeur et les discussions s’engagent…d’où nous venons ,qui fait quoi…… Sur la route, on devine des restes de macadam entre les nids de poule géants… notre chauffeur contourne consciencieusement les obstacles afin de ne pas complètement détruire ce qui reste de ses pneus lisses et des amortisseurs a bout de souffle! Terminus. Les portes explosent et nous dégoulinons hors de la voiture. Mais ce n’est pas fini… nous ne sommes pas encore a Hagley Gap qui est a l’entrée du parc national!!! Nous rentrons dans le minuscule bar qui est le seul endroit avec signes de vie. « Pas de bus le dimanche nous dit on! » Vite nous ressortons avant que notre taxi poubelle reprenne la route… A nos yeux il prends soudain des allures de limousine… négociations… 10 dollars pour nous monter jusque Hagley Gap. Et ca monte! Ce n’est plus une route mais deux ornières dans lesquelles la « limousine » cahote avec des chocs et des raclements de ferrailles… quelques constructions et nous arrivons au village délabré de Hagley Gap. Direction le seul bar du patelin… un seul client… un rasta accoudé au comptoir qui expulse des bouffées de fumée douçâtre et ondule au rythme du Bob Marley. Nous engageons la conversation… c’est une mine d’informations. Les gites ne sont qu’ a trois kilomètres d’ici, nous dit il, par une route qui grimpe très fortement. Il propose de nous emmener jusqu’à mi-route… mais son heure de départ semble un peu vague… Nous allons commencer a pied malgré son avertissement que si il nous rattrape en route il ne pourra pas s’arrêter car il serait dans l’impossibilité de redémarrer tellement la côte est raide!!!
Nous nous engageons donc sur la route… qui monte… monte… monte… nos pas ne dépassent pas la longueur de notre chaussure… et pour ne pas désespérer nous gardons la tête baissée en fixant la route juste devant nos orteils. Puis la route devient piste et nous glissons sur les graviers… Une heure trente que nous marchons… nous ne devrions plus être très loin… un homme sur le bord de la route nous montre notre destination… sur l’autre versant de la montagne!!! au moins une autre heure de marche… le soleil est bas sur l’horizon et enfin, après plus de 6 kilomètres de montée, nous arrivons a la « Jah B guest house ». Jah B, un rasta au pas nonchalant et dont nous comprenons à peine l’anglais nous conduit jusqu’à une chambre. Nous jetons nos sacs à dos et nous nous écroulons sur le lit. Un tour de chambre rapide pour se rendre compte de la saleté du lieu… et de la forte odeur d’égouts qui émane de la salle de bain. Pour cinquante dollars on s’attendait a un peu mieux surtout d’après les commentaires de Lonely Planet!!! Nathalie va explorer une chambre qui semble libre… pas plus propre, mais sans odeur! avec l’accord du patron nous changeons de chambre rapidement, impatients de prendre une douche… et c’est sous un goutte-a-goutte froid que nous nous lavons! Pas de savon ni de serviette de bain, heureusement que nous sommes prévoyants. Oserons nous nous glisser dans les draps? Mieux vaut en rire…
Repas a base de riz servi dans la pénombre alors que Jah B mange dans un saladier les yeux fixes sur sa petite télé. Merci pour la convivialité rasta mise en avant dans Lonely Planet! On se sent tout juste toléré dans sa maison! Il n’y a pas d’ampoule électrique dans notre chambre et il ne nous reste plus qu’a aller au lit. Si vous passez par là, nous vous conseillons d’essayer les autres lodges et d’éviter celui ou nous étions….
Le lendemain lever de bonne heure et longue ballade dans la montagne parmi les caféiers, les bananiers, orangers, pamplemoussiers….. Voulons nous passer une nuit de plus dans ce gourbi? en un clin d’œil nos sacs sont boucles et nous voici sur le chemin du retour. Et bien la descente est moins fatigante mais qu’est ce que ca fait mal aux pieds quand a chaque pas les orteils viennent butter dans le fond de la chaussure. Nous retraçons notre chemin en sens inverse, mais cette fois ci nous trouvons des « route taxi » (minibus) et en trois étapes nous arrivons dans le bus qui nous ramènera a Port Antonio. Pas de chance cette fois-ci car nous sommes les derniers a monter dans le bus et il ne nous reste plus qu’un strapontin a se partager a deux… coinces entre une vieille qui protege son espace vital en enfoncant son coude dans les cotes de Nathalie et une jeune mère dont la petite fille a besoin d’espace… l’avantage est que dans les virages nous n’avons pas besoin de nous tenir. Il fait nuit quand nous retrouvons notre annexe et le confort d’Hibiscus… On est quand meme bien chez soi! et… que de bons souvenirs de cette expédition.
Il ne nous reste plus qu’a faire des approvisionnements et à attendre la bonne météo pour mettre le cap sur Santiago de Cuba…
Lundi 26 Février – La prévision est pour un vent du sud est de 15 nœuds. Nous mettons les voiles a midi et filons plein nord…