Parties de pêche aux Aves
Lundi 21 Novembre –
50 milles à l’Ouest de « Los Roques » et après une navigation
tranquille sous spi, nous touchons terre aux « Aves ». Les Aves sont
deux groupes d’îles Vénézuéliennes séparées d’une trentaine de
milles: à l’Est les Aves Barlovento (au vent) et à l’Ouest les Aves
Satovento (sous le vent). Nous resterons presque deux semaines dans
ce décors d’ilots qui dépassent à peine au dessus de l’eau, de
mangrove épaisse, de récifs coralliens avec leurs eaux limpides et
les plages de sable blanc… enfin, un endroit de rêve… surtout
que ces îles sont inhabitées
Du 21 au 28 Novembre: Les Aves Barlovento. « Les aves » signifie « les oiseaux »… et effectivement sur ce premier groupe d’îles chaque branche de la mangrove est un perchoir pour un fou de bassan ou un pélican… les frégates voltigent haut… les aigrettes, ibis et autres échassiers guettent le poisson à chaque détour… En annexe nous pénétrons profondément dans la mangrove pour les voir de plus près… nous avançons lentement à la rame… Les fous sont les moins farouches… certains nous jettent un regard intrigué ou curieux mais rapidement retournent à leurs occupations… rêveries, nettoyage de plumes, discussion avec son voisin, draguer le fille de la branche du dessus… c’est une indifférence totale à notre égard! C’est à peine si ils s’envolent quand notre annexe touche la branche sur laquelle ils sont posés!
Aussitôt
arrivés, Steph (l’Albatros) repère les lieux pour les meilleures
zones de pêche… le verdict ne se fait pas attendre… « il doit y
avoir des snooks (brochet de mer) dans cette mangrove… et peut
être des tarpons » . Deux noms qui ne me disent rien, mais des
poissons qui, parait il, sont très recherchés par les pêcheurs
sportifs pour la difficulté de les faire mordre à l’hameçon et
surtout par leur combativité. Je suis partant pour une première
partie de pêche le lendemain avec un départ juste avant le lever du
soleil…
Pas
un souffle d’air, tout est immobile, le plan d’eau est un miroir,
les oiseaux se réveillent à peine et nous avançons sans bruit à la
rame… les nonos (no-see-ums ou autre nom donné à ces petits
moustiques invisibles) nous ont déjà repérés et attaquent voracement
nos mollets pour y arracher des morceaux de peau… mais le snook
nous attend et nous lançons nos hameçons juste en bordure de la
mangrove. C’est ma deuxième leçon de pêche… tout est dans la
finesse et la précision pour lancer au plus près de la mangrove, si
possible sous les branches, sans y accrocher son hameçon… et tout
en chassant les nonos de nos jambes. Plus facile à dire qu’à
faire… et les instructions pleuvent… « plus près de la
mangrove »… « vas y, si tu ne prends pas de risques tu n’as aucune
chance d’en prendre un »… « freine le fil à la main avant que le
leurre touche l’eau »… « fait nager le leurre… plus vite… moins
vite… petits a-coups… »… Les cannes légères de Steph et
surtout ses moulinets « high-tech » sans résistance s’y prêtent
bien… ça part tout seul… et après quelques lancés je commence à
contrôler… un peu! Bien sur on ne compte pas le nombre de fois où
il faut récupérer un hameçon accroché haut et loin dans la
mangrove… mais comme le dit le maître, « il faut prendre des
risques! ».
Petit
aparté sur le matériel que nous utilisons: bien sur il y a les
cannes et les moulinets, mais aussi la tresse si fine qu’on a du mal
à la saisir entre les doigts, le bas de ligne rattaché à la tresse
par une épissure quasi invisible, et… la panoplie de leurres qui
sont en général des formes de poissons souples ou durs de toutes
tailles, formes et couleurs… encore faut-il avoir la technique
pour les faire « nager » comme il faut! Pour un aperçu de cet
équipement connectez vous sur le site de Steph: www.albatrosvoyage.com
Il
faut dire que Steph n’est pas d’un caractère très patient ou
tolérant – en fait pas du tout!… mais comme instructeur de pêche
il n’y a rien qui semble l’indisposer. Il semble même prendre
plaisir à me voir essayer, à répéter ses conseils, à poser son
équipement pour m’aider ou remplacer mon leurre ou remplacer mon bas
de ligne cassé, à manœuvrer l’annexe pour dégager la ligne d’une
racine…. à ramener à bord un pélican ou un fou qui s’est pris
dans notre fil et qu’il faut saisir à pleine main par le bec pour le
libérer d’un sac de nœuds…
Une
touche… la canne se plie en deux et le moulinet siffle… puis
un énorme poisson argenté saute entièrement hors de l’eau à une
vingtaine de mètre de l’annexe… « un TARPON!!! »… « vas y,
remonte, ne lui laisse pas de mou »…. trop tard, un deuxième saut
et il se décroche. Bonne nouvelle, il y a des tarpons dans cette
mangrove! Puis les attaques sur nos leurres se succèdent… des
SNOOKs! joli poisson brun-vert avec une tête comme un brochet…
il mort franchement et tente d’emmener rapidement notre hameçon
sous le couvert de la mangrove et dans les racines… nous devons
l’en empêcher et le combat commence pour le ramener à quelques
mètres de l’annexe et le sortir de l’eau pour une photo avant de lui
rendre sa liberté. Le soleil est déjà haut… à nous deux nous
avons du ramené une dizaine de snooks quand nous décidons de
rentrer… mais « We will be back » pour les Tarpons!
Deux
jours plus tard, expédition Tarpon! soleil levant… enfin vous
connaissez la routine… Mais surprise et choc!… le chenal menant
à la mangrove est barré par deux filets de pêche… aucune chance
d’y échapper pour tous les poissons qui tentent de rentrer ou
sortir… et quand on pense que la mangrove est une frayère on
peut s’attendre qu’avec ces techniques de pêche il n’y aura plus un
seul poisson d’ici quelques années… et donc plus d’oiseaux!!! Que
feront nous quand tous ces « paradis » seront morts et sans vie???
Nous
passons quand même au dessus des filets et pendant deux heures
lançons nos lignes… pas une seule touche!!! Dégoutés par le peu
de respect et d’éducation de ces pêcheurs Vénézuéliens nous allons
tenter notre chance dans une petite baie bordée de mangrove… Dans
une eau transparente nous voyons des tortues nager sous l’annexe
dans moins de un mètre d’eau et des poissons se sauver à notre
passage. Step observe… il recherche les tarpons… ceux-ci
« roulent » ou « marsouinent » lentement en faisant ressortir leur
nageoire dorsale – un peu comme les dauphins… « Tarpon à
droite! » nous lançons nos lignes, mais trop tard. « Tarpon droit
devant! lance devant lui le plus près possible… » le ressort de
la canne propulse le leurre dans la bonne direction… et comme
« aimanté » le leurre tombe à quelques mètres de la zone indiquée par
Steph… le résultat ne se fait pas attendre… et la canne se
plie à la limite de casser… « tire dessus… il faut bien
l’accrocher… » et moi je tire tant que je peux en espérant que la
canne résiste. Steph durcit le frein de mon moulinet… un bond
hors de l’eau… deux bonds… il est bien accroché! C’est un
gros! 1,20m??? plus de 15 minutes pendant lesquelles on croit
plusieurs fois pouvoir le saisir sur le bord de l’annexe… et le
voir donner un coup de queue pour repartir à une cinquantaine de
mètre de nous…. il faut donc recommencer à mouliner, à « pomper »
et gagner chaque mètre de fil… En fait il est accroché par sa
nageoire dorsale qui heureusement semble très résistante!
Finalement ses forces s’épuisent et après une dizaine d’essais,
Steph arrive à le saisir par la bouche avec une pince spéciale qui
n’abime pas le poisson. Vite quelques photos de ce poisson
impressionnant – comme sorti de la préhistoire – et nous remettons
cette merveille dans son milieu naturel. Ça c’est de l’action! qui
disait que la pêche était une activité peinarde? et dire que les
mordus de pêche font des milliers de kilomètres pour avoir
l’opportunité de pêcher un tel poisson! je mesure ma chance de
pouvoir vivre une telle expérience.
Avant
de quitter les Aves Barlovento, nous récupérons un morceau de bois
flotté, le gravons du nom du bateau et allons le déposer sur le
« monument des bateaux » où de nombreux voiliers laissent une marque
de leur passage dans ce coin de paradis…
Du 28 Novembre au 2 Décembre: Les Aves Satovento.
Bien que la sœur jumelle des Aves Satovento, nous n’y avons pas vu
un seul oiseau… Les mystères de la nature ou les ravages d’une
surpêche? Ce groupe d’île fait partie d’un parc naturel et la pêche
commerciale y est interdite… un peu tard! Peut être les
autorités vont elles attendre qu’il n’y ait plus de vie sur les Aves
Barlovento avant de les déclarer parc naturel et y interdire la
pêche commerciale??? Dommage!
Donc
pas de pêche pour nous… faute de poisson! Nous en profitons
pour améliorer nos techniques de navigation entre les récifs et dans
très peu d’eau. L’eau est d’une telle transparence que nous évitons
facilement les têtes de corail et nous nous aventurons loin entre
les récifs. Les paysages sous-marins sont magnifiques et
heureusement il y a encore beaucoup de poissons colorés… mais pas
une langouste en vue bien que l’environnement y soit propice!
encore un résultat de la surpêche!!!
Un
peu trop de farniente à notre goût et nous mettons le cap sur
Bonaire qui se trouve à une quarantaine de mille plus à l’Ouest…